Première en France
Aucun œuvre de Toni Morrison (prix Nobel de la littérature 1993) n’a été adapté ou joué en France. Le but de ce projet est de faire connaitre l’écrivaine américaine, “cet inconnue célèbre”, au public français à travers son premier roman, très personnel, profond et de grands valeurs éthiques, littéraires et artistiques. Nous avons retraduit certains passages du roman et nous avons adapté selon des critères dramaturgiques précis :
- le choix d’une lignée d’événements
- l’accent sur le couple Claudia-Pecola
- la diminution du naturalisme psychologique à la faveur de la poésie du “quotidien et des personnages porteurs de lumière” dans un monde sombre.
La première étape du travail a été présenté le 13 février 2014 avec beaucoup de succès pendant les événements “Black History’s Month” au Théâtre La Reine Blanche et il a été soutenu par l’Ambassade des États-Unis à Paris. Le projet n’a reçu encore aucune aide à la création ou à la diffusion, mais nous avons :
- le soutien logistique des réseaux Afrique Conseil, CAPDIV et de l’Université du Monde Noir,
- l’aide à la communication sur le site de l’Ambassade des États-Unis et de la Fondation James Baldwin
- l’accueil à l’Église américaine avec son public franco-américaine pour une soirée de présentation.
Pourquoi Toni Morrison ?
L’adaptation de l’œuvre “L’œil le plus bleu” est une occasion de sensibiliser le public à la lutte contre le racisme et à l’histoire du racisme.
Les questions que ce roman nous pose sont : comment le racisme est nuisible psychologiquement, moralement et socialement… même en 2014. D’où vient le mal ? De l’ignorance ? De l’oppression ou de l’injustice ? Comment le passé conditionne le présent ? Chaque acte de violence a ses propres racines dans le passé. Morrison défend des valeurs humanistes, au-delà des races ou des ethnies : la résiliation, la vérité, le pardon et la force intérieur.
Notes d’intention
“Je propose un dessin, une traversée poétique et musicale dans le roman de Toni Morrison, sans présenter en détails l’histoire du livre. Nous aimerions être le plus fidèle possible à la complexité de ce phénomène sociale (le racisme) qui ronge les êtres depuis plusieurs générations. L’originalité de l’œuvre est son point de vue : deux petites filles afro-américaines de dix ans, racontent l’histoire quotidienne d’une famille et d’une communauté plus ou moins à la marge de la société américaine après la ségrégation raciale. Elles grandissent côte à côte dans la dure réalité d’un monde profondément cruel et sombre.
La première brûle d’avoir les yeux bleus d’une petite fille blanche. L’autre déteste les poupées blondes, modèles imposés de perfection qui lui rappellent combien sa haine est légitime. Leur histoire est un mélange de tragédie et d’humour, de malice et de sérénité, de vérité et d’imagination.”
(Extrait du journal de travail de la metteuse en scène)
Le décor du spectacle, un montage visuel nous plonge dans les archives de la Bibliothèque du Congrès de Washington. Un saxophoniste en live nous évoque les leitmotivs musicaux de Billie Holiday ou de Coleman Hawkins…
La dramaturgie
L’axe centrale de la dramaturgie est ce “duo” des petites filles Pecola-Claudia, leur chemin respectif et commun, un peu comme un “voyage dans le monde des grands” accompagné, soutenu, propulsé, mis en forme, mis en vie par un trio de femmes: Miss Marie-Pologne-Chine (leurs bonnes fées ou les sorcières - de Macbeth !) leurs mères dignes et indignes, épouses, amantes, prostituées, pauvres, précaires, magiques, féeriques ,tendres et cruels parfois…
Ce trio de femmes remplace la mère indigne de Pecola. Mais quelle est la véritable histoire de cette mère ?
Un autre axe dramaturgique est celui des hommes : Mr Henry, Cholly, ce père, incestueux dont les “morceaux de vie” pourraient devenir cohérents que dans la tête d’un musicien et “Mr. Soaphead” qui peut donner les yeux bleus à cette petite fille “si laide qui demandait la beauté”. Le dialogue final est posé comme un bijou, un trésor sur tout ce récit, cette sorte de “conte contemporain” hanté par l’enfance volée, l’amour, la beauté “face à la réalité féroce d’une Amérique blanche”.
L’écriture scénique sur le plateau avec les acteurs va aussi permettre d’approfondir, de rendre toute cette écriture extraordinaire. Le langage scénique forcément va déplacer les accents sociologiques et historiques du roman pour faire un “conte d’hier et d’aujourd’hui” sur la route de ces fillettes jusqu’à la croisée de leur vie de femme noire, dans une Amérique blanche et raciste.
Ces “pistes dramaturgiques” et thématiques déjà suggérées contiennent une grande partie des “valeurs humanistes” pour ne pas dire chrétiennes. Cette œuvre littéraire aborde plusieurs points et thèmes qui sont autant de “messages” sociaux et spirituels : une sorte de messages bibliques pour réinventer un monde nouveau à travers l’histoire de la vie traumatisante et violente de deux petites filles noires en quête d’un rêve d’avoir les
“yeux bleus” et pouvoir regarder ce monde cruel, sombre.
Nos pistes de réflexion :
- l’éducation, l’école, la famille, le couple, les liens entre parents et enfants, confrontés aux problèmes et aux questions les plus éternelles, “universelles” et les plus douloureuses tels les discriminations de tout ordre le racisme, le sexe, l’origine sociale,
- les violences et maltraitances faites aux enfants, aux femmes,
- les haines et la répression pour réduire l’Autre dans sa différence,
- le refus et mépris pour toute source d’altérité, pour cet autre, cet humain, enfant ou adulte qui n’a pas encore de place dans cette société,
- le rejet et viol(ence)s sur cet autre qui nous ressemble et que nous avons pu trouver, ou rencontrer sur le bord de la route… les pauvres, les paumés… un peuple en souffrance… “des bombes” en perdition pour des temps futurs.
“L’œil le plus bleu” : une œuvre universelle écrite par une femme, noire, engagée, une écrivaine à l’égal des plus grands auteurs, poètes du monde et VIVANTE… d’aujourd’hui.