D’après Israel Horovitz
avec:
MOLLY (Arnall) — Anna Fedorova
ARNALL (Molly) — José Luis Roig
DOLLY (Dolan) — Lili Spyratos
ANNA (Fleming) — Simone Keresztes
EVA (Stephen) — Jutta Wernicke-Sazunkewitsch
Musique — Joseph Baan
Scénographie — Syria Saoudin
Adaptation, mise en scène et costumes — Monika Rusz
SYNOPSIS
L’aube. Quelque part, nulle part. Cinq personnes font la queue. Cinq personnes sont prêtes à tout pour y être premier. Le Premier… Entre malice personnelle et individualisme, entre condition sociale et capacité à séduire, on invente et réinvente les stratégies des “gagnants”. Et il suffit d’un rien pour se mordre, se haïr, humilier, rire, pleurer…
Alors, qu’attendent-ils au juste ? Qu’ont-ils à gagner ?
“Le premier” (“Line”) est une comédie grinçante et percutante. Dans la même lignée que Ionesco, son auteur, Israel Horovitz, fascine par la légèreté de son style, sa verve caustique et son sens inné des rapports humains avec un humour intarissable qui lui est propre :
“Écrire une forte pièce en un acte est un bon test pour un auteur dramatique… Une pièce en un acte est dénudée jusqu’aux os : dépouillée…
Les pièces en un acte sont compactes, sans coutures. Elles sont le couteau dans le cœur, le baiser sur la bouche, l’éclair, le rugissement du lion, le jour le plus chaud, la nuit la plus froide : l’émotion et la sensualité.”
(Israel Horovitz dans son introduction. “Dix pièces courtes” Editions Théâtrales, 1995)
ISRAEL HOROVITZ
Né en 1939, Israel Horovitz signe son premier texte de théâtre à 17 ans. Ses pièces les plus connues, comme “Le premier”, “Sucre d’orge”, “Clair-obscur”, “L’indien cherche dans le Bronx”, “Le baiser de la veuve” ont été interprétées notamment par Al Pacino, Richard Dreyfus, Jill Clayburgh, Diane Keaton, Gérard Depardieu et Laurent Terzieff.
Fondateur et directeur artistique du “New York Playwrights Lab”, Horovitz est également auteur de nombreux scénarios pour le cinéma. Enfin, le renom des acteurs interprétant ses pièces et ses scénarios, n’empêche pas l’écrivain de jouer lui-même dans des films ou de faire la mise en scène de ses propres pièces.
Difficile de faire le compte de toutes les distinctions qu’Israel Horovitz a récoltées. On peut citer : deux Obie Awards, un Emmy, le prix du Plaisir du Théâtre (à Paris), le prix du Jury du Festival de Cannes, le New York Drama Desk Award, le prix du Los Angeles Critics, un prix de littérature décerné par l’Académie Américaine des Arts et des Lettres, et puis le prestigieux prix Elliot Norton pour la “Gloucester Stage Company” dont il est le fondateur.
A ce jour, Israel Horovitz est l’auteur de plus de cinquante pièces de théâtre traduites dans une vingtaine de langues différentes. C’est le dramaturge américain vivant le plus joué en France avec laquelle il entretient depuis des années des rapports privilégiés dont il dit : “C’est en France que je finirai mes jours, j’en suis convaincu. Je me sens parmi les miens là-bas”.
A PROPOS DE LA MISE EN SCENE…
LA SCENE
“Ah voilà la ligne…”
— Une scène. Une scène vide. Une scène coupée en deux, tranchée par une diagonale imaginaire, mais bien physique. Car sur cette lame de rasoir brûlante : cinq paires de pieds, cinq visages dans l’attente, cinq paires de mains impatientes, cinq regards rêveurs, cinq êtres humains se balançant à gauche, à droite entre deux espaces de jeu, deux espaces du réel théâtral: l’un de désir et d’invention personnelle. L’espace de danse et de séduction.
— L’autre de voyeurisme, de complicité, de commentaire. L’espace des émeutes meurtrières.
DEFIS ET CONFLITS
“Vous m’avez poussé…”
— DANS LA QUEUE : cinq personnages, cinq individus, cinq êtres sociaux, cinq politiques, cinq conceptions de jeu et de la vie, cinq stratégies, cinq intelligences, cinq corps, cinq âges, cinq rythmes, cinq façons différentes de bouger, séduire et fonctionner…
DONC : cinq fois confrontation, conflit, accident, explosion… ET : cinq rôles, cinq écoles de théâtre, cinq comédiens de différentes origines.
L’ADAPTATION
“Je suis le Premier. Et je me sens frustré. J’ai eue quatre femmes. Une que j’ai eu trois fois. Une autre qui n’a pas pu finir. Je me sens frustré…”
— Inversion des rôles. Dans la pièce originale d’ Israel Horovitz, l’action est menée par quatre hommes et une femme. Dans notre version du “Premier”, nous avons inversé et adapté la distribution des rôles entre quatre femmes et un homme. En gardant la touche spéciale d’un vocabulaire d’un abord masculin, nos femmes se révèlent de vrais chefs, “machos”, drôles et fortes en gueule. Cette inversion n’est pas sans conséquences pour la dynamique et le message sociocritique de la pièce originale, qui est située dans la réalité politique des années 70 aux États-Unis. Tandis que, de manière ironique, notre adaptation révèle davantage les rapports et le combat des sexes dans un monde où les rôles traditionnels se situent entre basculement et retrouvaille d’un nouvel équilibre. Ainsi, la quête d’identité sociale d’Horovitz s’y retrouve reformulée, mais ouverte.
LA MISE EN SCÈNE : ÉLARGIR LE VISUEL
Si je prends bar et que je le renverse, ça fait rab, si je prends cab et que je le renverse ça fait bac, mais bar+bac, ça fait barbaque. Vous me suivez ?
— Au sens formel et dramaturgique, “Le Premier” est une pièce d’une extrême rigueur. Le texte est très écrit et construit minutieusement comme une partition musicale. De plus, l’action de la pièce se situe dans une queue d’attente. Pour la mise en scène du Premier, cette condition textuelle et scénique est à la fois obstacle et défi. Elle doit faire éclater ces limites “géométriques” en y révélant autres espaces scéniques. D’une part, il s’agit de cristalliser des moments purement visuels pour alléger la parole sans la doubler. D’autre part, il faut synchroniser des (im)pulsions du jeu d’acteur pour créer une dynamique au-delà de la parole.
Par une longue recherche à partir d’improvisations préparatoires avant d’attaquer la pièce, nous avons cherché particulièrement à trouver cet équilibre-là. La danse contact et le théâtre gestuel nous y ont été des sources précieuses. Enfin, en s’inspirant de plusieurs iconographies de
“vainqueurs”, les comédiens ont élaboré des postures, des grimaces, des expressions capables d’installer des moments de silence dans les rapports tendus entre les personnages en course pour devenir le premier.
DANSE
Cinq personnages, cinq visions, cinq désirs — cinq danses de séduction Anna, le Peuple, la Patronne, s’impose sur des airs de valses et polkas des Fêtes Foraines.
Eva décompose l’Intellect, Manie et Folie dans une Funèbre tendresse de danse moderne.
Dolly, Eternelle Seconde, Hypocrite au Truc Mine de Rien, cherche au rythme de Flamenco.
Molly, la jolie Mariée cocue à Petite Philosophie illumine sa fausseté en Comédie Musicale.
ET Arnall ? Petit Bonhomme à l’Instinct pragmatique, c’est LE Partenaire idéal.
MUSIQUE et MUSICALITÉ
Vous savez comment il est mort, Eva ? Il y avait une Chorale qui chantait son Requiem pendant qu’il était en train de mourir… Boum… boum…
— Une “musique de chambre” où l’intime fait le contrepoint au social et le désir est déclenchée par la soif du pouvoir.
Je suis la Première. Je suis deuxième, Troisième. Quatrième…
— Une partition polyphonique dans laquelle chaque voix se fait entendre.
Un menuet tragique et burlesque.
Ah merde, je suis toujours la dernière…
— Une ambiance de cabaret. Un musicien accompagne le spectacle en libre harmonie et interaction avec les comédiens.
Taisez-vous et écoutez. Mozart. “Eine kleine Nachtmusik”.
— Un Allegro de cinq accents différents.
C’EST ICI POUR LA QUEUE ?
Et vous ? Vous avez déjà fait la queue ? Vous êtes — vous déjà décidé à devenir le premier ? Avez-vous déjà senti l’excitation d’être tout près du but ? Connaissez-vous ce mélange de sentiments qui bouillonnent à l’intérieur quelques minutes avant… Avant quoi ?
La queue. Faire la queue : une métaphore de la vie.
— La queue est dans le mauvais sens.